L’archéologue français Pierre-Henri Giscard s’en félicite. «Ces expéditions m’ont rendu service en éliminant des endroits potentiels, dit-il. Elles ont démontré où ne se trouvait pas la tombe.» Ce compagnon de route du paléontologue Yves Coppens, comme lui octogénaire, dirige l’Institut des déserts et des steppes, association organisant des missions scientifiques sous l’égide, entre autres, de l’Unesco. Depuis les années 1990, il traque la sépulture du chef mongol, multipliant les explorations, compulsant des milliers de documents : des comptes rendus de fouilles, mais aussi des sources d’époque – émanant d’observateurs étrangers, puisque les sources mongoles sont étrangement muettes. Il a fini par focaliser son attention sur le sommet du mont Burkhan Khaldun (dans le nord-est du pays), l’une des quatre montagnes que Gengis Khan aurait déclarée sacrée et où des rites chamaniques sont aujourd’hui encore observés.
De quoi éveiller l’intérêt de Marco Polo qui, à la fin du XIIIe siècle, tenta, lors de ses pérégrinations en Asie centrale, de rassembler des informations au sujet de la mort du khan («empereur»), ouvrant la voie à de nombreux voyageurs curieux et aventuriers. Après la chute du bloc soviétique, puis l’indépendance de la Mongolie en 1992, ce fut au tour des scientifiques, notamment japonais et américains, de se mettre en quête de la tombe mystère. Aucun n’a levé le secret. Certains se sont heurtés à un refus d’autorisation de fouilles des instances mongoles. D’autres initiatives ont été rapidement contestées par la communauté scientifique.
Gengis Khan a rendu l’âme en août 1227, alors qu’il se trouvait en campagne militaire dans le Gansu, au centre-nord de la Chine. Qu’arriva-t-il ensuite ? Mystère ! Même l’Histoire secrète des Mongols, document historique de référence (XIIIe siècle), rédigé pour la famille impériale, et chroniquant par le menu les faits d’armes du grand chef, ne contient aucune information sur son inhumation. Historiens et archéologues s’accordent néanmoins pour affirmer que sa tombe se trouve en Mongolie et a été volontairement dissimulée, afin d’assurer la tranquillité éternelle de son occupant et de décourager la convoitise des pillards. Par ailleurs, ils supposent que seuls les membres d’une lignée d’«initiés» mongols, chargés – peut-être jusqu’à nos jours – d’entretenir le culte de l’empereur, en connaîtraient la localisation. La légende, quant à elle, témoigne de l’importance de ce secret : tous les individus dont la route aurait croisé le convoi funéraire auraient été assassinés, une rivière aurait même été détournée de son lit afin de rendre l’accès à la sépulture plus difficile, et on aurait fait piétiner celle-ci par des chevaux pour qu’elle passe inaperçue…
En Mongolie, Gengis Khan est partout. Au beau milieu de la place principale d’Oulan-Bator, la capitale, où son imposante statue toise les passants. Sur l’étiquette de plusieurs marques de vodka. Au recto de cinq des onze billets édités par la Banque centrale mongole, depuis lesquels, moustache impeccable et regard profond, il semble continuer de veiller à la destinée nationale. Et pourtant, le grand homme est aussi étrangement absent : nul ne sait où se trouve précisément la dépouille de ce souverain vénéré qui, au XIIIe siècle, a posé les fondations du plus grand empire que la Terre ait jamais connu (à son apogée, il s’étendait de l’actuelle Ukraine à la mer du Japon). Depuis sa mort, il y a près de huit cents ans, des générations d’aventuriers et de scientifiques ont tenté de localiser sa sépulture. Et le doute subsiste encore…
La quête de la sépulture du plus grand empereur de tous les temps mobilise aventuriers et scientifiques depuis huit siècles. Un archéologue français clame pourtant avoir trouvé.